Midi poésie

Détail de l’événement

mar

13

mai
Midi poésie
Sylvie Kandé
Samira Negrouche
Nimrod
Yasmine Yahiatene
© Eva D Photographie
© Sylvain Durand

Sylvie Kandé, Samira Negrouche et la quête infinie de l'Afrique

Midi poésie
Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique
(3, rue de la Régence - 1000 Bruxelles)
12h40

Tarif soutien : 10€
Tarif réduit : 8€

Sylvie Kandé, Samira Negrouche et la quête infinie de l'Afrique

Réservation

Une conféro-rencontre avec Nimrod, un poète qui nous parlera des œuvres de Samira Negrouche et Sylvie Kandé accompagné de lectures de textes de la comédienne Yasmine Yahiatene.

Une génération sépare la Sénégalaise de l’Algérienne. Toutes deux ont l’Afrique chevillée au corps. Sylvie Kandé enseigne à New York depuis plus de trente ans. Samira Negrouche a voyagé un peu partout dans le monde sans jamais quitter Alger où elle est née. L’une et l’autre parlent deux ou trois langues européennes, sans compter le wolof, l’arabe, le tamazight. Ces deux poètes sont des exilées majeures pour qui la terre du poème est l’Afrique subsaharienne. Ou plutôt, c’est Léopold Sédar Senghor qui l’incarne le mieux à leurs yeux. À la connaissance de Nimrod, Samira Negrouche est l’uni­que poète du Maghreb à inscrire sa poétique au sud du Sahara. La quête infinie de l’autre rive, l’épopée en trois actes de Sylvie Kandé, résume bien leur démarche.

Café sans sucre

J’aime boire le café avec un nuage de crème faux j’aime
le café sans rien sans sucre je n’aime que le nuage brumeux
de l’aube que je surprends avant le sommeil il se
glisse et comble silencieusement les creux des collines
j’aime ce filet de crème sur lequel je traverse du sein au
téton.

Elle m’a servi une eau douteuse dans un bol couleur
de terre elle dit j’ai écrit un roman mais la disquette
ne marche plus elle dit regarde mon champ d’oliviers
j’ai toujours rêvé d’avoir un verger je descends les trois
marches je regarde au loin quelques mauvaises herbes
incendiées par le soleil un citronnier bétonné comme
un pilier aveugle je dis il est beau ton champ d’oliviers
change de marque de disquettes.

Une deux je compte les gouttes qui tombent du ciel sur
le bout de plastique insolent qui traîne sur le balcon
trois quatre toutes les pensées sont bonnes à chasser
quand rien ne vient ni désir ni sommeil je cherche une
cigarette du coin de l’oeil et je ne fume même pas.

Samira Negrouche
Extrait de Le jazz des oliviers, éditions du Tell, 2010.

Génocide

En bas, la rue aiguisait en riant ses couteaux.
— Pourquoi eux ? Comment calculez-vous la différence ?
Que ne donnez-vous l’ordre de suspendre cette tuerie avant
qu’elle s’étende ?
— C’est que nous, nous maîtrisons l’art des gestes ; eux
depuis la nuit des temps, se contentent de mouvements.
Advienne que pourra. Pour ma part, je m’en lave les mains.
En histrion consommé, il joignit le geste à la parole.
Éclata ce premier hurlement — un à vous glacer le sang
— suivi de vociférations. Par la baie vitrée, on vit les lames
se mettre à trancher, méthodiques, et quelques corps danser
grotesquement avant de s’effondrer.
Ce qu’il fallait démontrer, sans doute.

Sylvie Kandé
Extrait de Gestuaire, poèmes, Gallimard, 2016.

Infos pratiques

Lieu : Auditoirum 120 des MRBAB, Rue de la Régence 3, 1000 Bruxelles

Durée : 50 minutes

NIMROD

Né au Tchad en 1959, NIMROD est poète, romancier, essayiste et éditeur (éditions Le Manteau & la Lyre). Il a publié à ce jour plus d’une trentaine d’ouvrages qui ont été couronnés entre autres par le Prix de la Vocation, le Prix Benjamin Fondane, le Prix Édouard Glissant, le Prix Ahmadou Kourouma, le Prix Max Jacob, le Prix des Charmettes / Jean-Jacques Rousseau, le Prix Pierrette Micheloud, le Prix Guillaume Apollinaire. Ses derniers ouvrages sont : J’aurais un royaume en bois flottés, anthologie personnelle 1989-2016 (Poésie/Gal¬limard, 2017), 120 nuances d’Afrique, Gens de brume, récit, Actes Sud, 2017, La traversée de Montparnasse, roman (Gallimard, 2020), Petit éloge de la lumière nature, poèmes (Obsidiane/Le Manteau & la Lyre, 2020), Le temps liquide, récits, (Gallimard, 2021) et Anniversaires & paquets cadeaux, poèmes (Obsidiane, 2024).

Photo © F. Mantovani Gallimard

Yasmine Yahiatène

Yasmine Yahiatène est une artiste pluridisciplinaire. Elle se forme à la vidéo et à la performance à l’Académie des Beaux-Arts de Tournai, à l’Université des Beaux-Arts de Valence en Espagne ainsi qu’aux Rencontres Audiovisuelles de Lille.

En 2016, son installation de vidéo mapping Ma mère, aussi est exposée à Lille et en Suisse. Le projet de vidéo mapping projeté sur la gare Lille-Flandres, J’avais 10 ans (création collective), remporte le deuxième prix du Concours International de Vidéo Mapping de Lille. En 2019, elle crée le Collectif Oxo avec lequel elle porte le projet OXO Beat Gender, une installation vidéo interactive mettant en avant cinq portraits de femmes oubliées de l’histoire. OXO Beat Gender es exposé à la Galerie Never Apart pour l’exposition Micro-Mapping 2019 à Montréal ainsi que pour l’exposition Matilda au BRASS en 2022 à Bruxelles.

En parallèle, Yasmine tourne en 2017 dans le film Plein la vue de Philippe Lion et commence sa collaboration avec la Compagnie ZA! comme interprète et vidéaste dans le spectacle À ta place, créé au Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes 2021 qui tourne en France jusqu’en 2023.

En 2020, elle porte sa première création pour la scène et entame l’écriture de La fracture, spectacle dans lequel elle s’expose, interprète son histoire seule au plateau et utilise la vidéo comme partenaire de jeu. Avec La fracture, elle décrypte une relation intime et complexe, celle avec son père. En cherchant à renouer le contact avec celui-ci, et ce, à travers de multiples dispositifs, elle revient sur la guerre d’Algérie, l’enfance de son père en Kabylie, son exil, son alcoolisme et sur les points communs entre ces sujets, le silence, le tabou et la honte pour entamer un travail de réparation et de résilience.

La fracture est créé en 2022 à l’Atelier 210 (Bruxelles, BE) en coprésentation avec le Kaaitheatre et est programmé au Festival Actoral (Marseille, FR) ainsi qu’au Festival Fast-forward (Dresden, DE) où il remporte le prix du jury jeune de la meilleure performance.
Les tournés de La fracture se poursuivent en 2023 notamment au MONTY (Anvers, BE), au Festival Emulation (Liège, BE), au festival Jurányi Art Incubator House (Budapest, HU), au festival Tweetakt (Utrecht, NL), au Belluard Festival (Fribourg, CH), au Festival de la cité (Lausanne, CH) au Kampagnel International Summer Festival (Hambourg, DE) et d’autres théâtres européens. Le spectacle est nommé au Prix Maeterlinck de la critique dans la catégorie meilleur scénographie.

En septembre 2022, elle joue dans le spectacle Et ta soeur mis en scène par Lou Joubert pour le festival F.A.M.E (festival féministe bruxellois), dans le cadre du Manx Cat Project présenté en 2023 au Théatre de Liège, à MARS-Mons et à la Maison Poème (Bruxelles, BE).

Portée par une dynamique de “l’intime est politique”, Yasmine est invitée par la Bellone, en novembre 2022 en résidence sur un futur projet, Les châteaux de ma mère, avec lequel elle poursuit ses recherches identitaires liées à ses racines mais cette fois par le prisme des figures féminines de sa famille, notamment sa mère et le rapport tabou au suicide.

En mai 2023 elle est invitée par la CITF et WBI pour participer à la pépinière d’artistes à Montréal, une rencontre entre différent·e·s artistes de la francophonie autour du thème FLAMBOYANT·E·S COMME DES ORACLES.